La lutte contre l’immigration clandestine est aujourd’hui l’une des priorités de l’Union européenne. Volet essentiel d’un projet communautaire de sécurité intérieure, le combat contre les illégaux n’en soulève pas moins d’épineuses questions, abordées dans cet ouvrage. Lire la suite
La lutte contre l’immigration illégale semble tout d’abord chimérique tant les objectifs fixés excèdent les moyens techniques, humains et financiers disponibles. Ensuite, en rendant le passage vers l’Europe de plus en plus compliqué et dangereux, cette politique provoque indirectement la mort de centaines de migrants chaque année. Elle favorise enfin le déploiement des filières criminelles de trafic et de traite des êtres humains. En bref, loin d’œuvrer à la légitimation de l’Union auprès de ses citoyens par le biais du renforcement de leur sécurité, la politique en matière d’immigration irrégulière risque d’avoir des effets contraires en jetant le doute tout à la fois sur l’efficacité des politiques européennes et sur les valeurs qui les sous-tendent.
Pourquoi un projet mené au nom des principes de liberté, de sécurité et de justice ne se voit-il pas davantage remis en cause alors qu’il conduit surtout à une détérioration de la sécurité des migrants ? C’est à cette interrogation que le présent ouvrage entend donner des éléments de réponse, en partant de l’idée que la politique de lutte contre l’immigration clandestine ne peut être réduite à ses objectifs affichés mais doit être resituée dans le cadre plus large du processus d’intégration européenne.
En touchant au problème du contrôle des frontières extérieures de l’Union, la lutte contre l’immigration illégale pose en effet la question des frontières symboliques qui définissent les conditions de l’appartenance à un ordre politique déterminé. Elle active des mécanismes d’inclusion et d’exclusion sans lesquels un corps politique ne peut voir le jour et se maintenir. Dans cette perspective, si la stratégie de mise à l’écart des étrangers indésirables répond aux objectifs de contrôle et de sélection des ressortissants des pays tiers autorisés à accéder au territoire des Etats membres, elle participe également à la construction d’une figure inquiétante de l’Autre fondant l’identité européenne sur la peur des clandestins.