Bavures médiatiques, inflation du spectacle, désinformation : le crédit des journalistes diminue tandis que grandit le malaise dans les médias depuis le début du XXe siècle. Read More
Après l'invention du « charnier de Timisoara » en décembre 1989, la couverture médiatique de la « tempête du désert » en 1991 a cristallisé les critiques relatives au traitement de l’information. Les abus et les critiques n’ont pas cessé depuis et, loin de se limiter à l’audiovisuel, ils concernent aussi la presse écrite. Suite aux dérives de l’information, une crise de confiance s’est installée entre public et médias, public et journalistes. La plupart réclament un renforcement de la déontologie et invoquent la nécessité de réinsuffler une exigence éthique dans les médias, élixir miracle pour poser des limites à l’exercice du journalisme et éviter les excès.
Jusqu’à présent, la déontologie constituait le seul garde-fou admis par les journalistes pour concilier liberté et responsabilité et éviter tout dérapage de la liberté de la presse : les faits récents ont démontré l’insuffisance de cette seule réponse déontologique. La revendication éthique exprimée à l’égard des médias et des journalistes se comprend dès lors comme la nécessité de fournir un contre-pouvoir au quatrième pouvoir. Or, depuis les Lumières, la liberté de la presse est traditionnellement associée à la démocratie. Comment concilier ces exigences contradictoires sans réduire la liberté d’expression individuelle ?
L’hypothèse au cœur de cet essai est que la crise de confiance entre médias et public et l’exigence de renouveau éthique révèlent surtout une crise de légitimité des médias et des journalistes d’information. En ce début de XXe siècle, la définition de la liberté de la presse, le statut philosophique des journalistes et la place des médias dans une démocratie pluraliste sont au centre du débat public : le modèle libéral classique de référence, hérité des Lumières, est désormais inadéquat pour légitimer la pratique contemporaine de la liberté de la presse. C’est pourquoi, il est urgent de repenser courageusement la raison d’être des médias afin d’éviter qu’ils se retournent contre la démocratie.