Cet ouvrage entend permettre au lecteur une bonne compréhension de la société yeke et de son histoire en adoptant une approche dynamique qui met l’accent sur ses transformations. Read More
Les Yeke, avec à leur tête M’siri, sont originaires du Busumbwa et de l’Unyamwezi, au nord-ouest de l’actuelle Tanzanie. Au cours des années 1820-1840, ils établiront au Shaba, Zaïre, une structure étatique de conception originale, tant sur le plan de l’organisation politique qu’au niveau des options économiques, basées sur une incorporation plus complète dans l’économie mondiale de marché. Au faîte de sa puissance, ce nouvel État éclipsera l’influence politique et économique jusqu’alors prépondérante des royaumes voisins, lunda ou luba. Plaque tournante du commerce transitant par le Copperbelt congolais et zambien, il deviendra l’objet des convoitises des puissances coloniales occidentales. En 1893, il sera officiellement incorporé dans le territoire de l’État indépendant du Congo.
Au-delà de ce cheminement historique essentiellement politique et économique, l’histoire yeke renvoie à une problématique essentielle de l’Afrique centrale : la valeur historique des récits de migration. La majeure partie des traditions d’origine des États africains s’exprime par le biais d’un récit épique où les migrations prennent une place importante. Ces récits peuvent faire référence à une véritable migration, mais aussi à des contacts politiques ou commerciaux ou à des transferts d’idéologie ou d’identité. Les traditions yeke s’apparentent, dans leur forme, à ces mythes alors que l’historicité de la migration yeke et de la formation de leur État est bien établie. Cette congruence exceptionnelle permet d’appréhender les phénomènes de la migration africaine et de la construction d’une société politiquement structurée dans ses dimensions historiques, culturelles et idéologiques.