L’auteur procède à une reconstruction pragmatique de la raison historique en confrontant les approches de Kant, Fichte et Hegel et les paradigmes qui les sous-tendent : la Nature, la Liberté et l’Esprit. Lire la suite
Le thème d’une "raison dans l’Histoire" a été largement discrédité au cours du XXe siècle, par suite des critiques de la raison historique, jusqu’à accomplir une véritable destruction de l’idée d’Histoire universelle. En voulant prendre congé de la métaphysique, la philosophie contemporaine a renoncé à fonder le point de vue d’où les époques de l’humanité réalisent des séquences historiques renvoyant à la représentation d’une succession irréversible. Il s’agit pourtant d’une nécessité de sens, car, en toute conscience herméneutique, Platon n’aurait pu surgir entre Duns Scot et Montesquieu ; le monde grec, n’aurait pu faire irruption entre le monde féodal et le monde bourgeois ; et la séquence : Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Stravinsky n’est pas plus réversible que la séquence : Kant, Fichte, Hegel, Dilthey, Heidegger. Le fait est trivial. Mais en rendre compte dans le sens d’une justification philosophique l’est beaucoup moins.
C’est à une telle fondation critique, entreprise dans l’esprit d’une reconstruction pragmatique de la raison historique, que tendent les trois lectures menées ici en référence aux grands classiques de l’idéalisme allemand. Kant, Fichte, Hegel développèrent chacun une approche de l’Histoire universelle mettant en tension trois paradigmes – respectivement : la Nature, la Liberté, l’Esprit, à travers lesquels se précisait l’intuition d’un lien sous-tendant la succession historique, d’un lien de raison qui serait en son fond un lien de communication : lien d’illocution, et non point de causation. Ainsi peut-on concilier la liberté des moments advenus dans l’Histoire et la nécessité de leur enchaînement suivant un ordre déterminé.