L’ambition du présent ouvrage collectif vise à réactualiser les rapports entre communication, droit et pouvoir afin que la liberté de la presse reste indissociable du développement de la citoyenneté politique et de l’approfondissement de la démocratie. Lire la suite
Depuis les Lumières, les représentations classiques du statut philosophique et du rôle politique des médias ont toujours fluctué entre deux pôles, le droit et le pouvoir, élargissant ainsi le champ des libertés individuelles et l’exercice de la souveraineté du peuple. Or, l’espace public a fondamentalement évolué avec l’apparition des moyens de communication de masse, l’extension géographique des démocraties libérales et, prochainement, le développement des mythiques « autoroutes de l’information ». Dans ce contexte, la relation entre communication, droit et pouvoir devient éminemment problématique : les médias menacent aujourd’hui de se retourner contre la démocratie.
En réalité, une confusion conceptuellement dommageable est entretenue jusqu’à présent entre, d’une part, la mise en œuvre de la liberté de la presse dans les régimes politiques autoritaires et les situations de conflit armé, et d’autre part, les conditions de son exercice dans les sociétés démocratiques pluralistes comme la nôtre. Désormais les menaces et atteintes à la liberté de la presse viennent autant du pouvoir économique que du pouvoir politique : l’idéologie de la communication, les concentrations multinationales et multimédias et la marchandisation de l’information s’ajoutent aux tentations de reprise en main musclée, à la volonté de répression pénale et à la subsidiation arbitraire de la presse. Et, à trop vouloir rejeter la responsabilité des dérives des médias sur les pressions économiques et politiques extérieures à la profession journalistique, on occulte une troisième menace : les abus imputables aux journalistes eux-mêmes.
C’est pourquoi, afin de rencontrer, dans le contexte de nos démocraties développées et médiatiques, les exigences formulées par les Lumières en matière d’émancipation politique et de contrôle du pouvoir, il s’agit aujourd’hui de considérer les médias comme des objets philosophiques dignes d’intérêt.