L’hypothèse de travail de cette introduction critique est l’assimilation du droit positif belge à une « idéologie », c’est-à-dire à un « système (possédant sa logique et sa rigueur propre) de représentations (images, mythes, idées ou concepts selon les cas) doué d’une existence et d’un rôle historique au sein d’une société donnée ». Lire la suite
L’assimilation du droit positif belge à une « idéologie » ne présente pas de connotation péjorative, mais vise simplement à mieux comprendre les spécificités de l’ordre juridique belge. Dans une première partie, on montre comment le droit belge peut être assimilé à un système, en insistant sur la cohérence qui caractérise l’agencement de certains mécanismes juridiques fondamentaux : fédéralisation de la Belgique, séparation des pouvoirs, hiérarchie des sources, ordonnancement des juridictions...Dans une seconde partie, on détecte les représentations sous-jacentes au discours juridique belge, en montrant que le droit y est souvent assimilé à la rationalité et à la justice. Ces représentations qui renvoient à une articulation entre certaines doctrines positivistes et jusnaturalistes que l’on retrouve notamment dans le concept d’État de droit, remplissent un rôle historique dans la société belge.
Le recours au droit a ainsi permis de justifier un certain nombre de décisions politiques, ce qu’on illustre par plusieurs épisodes de l’histoire de Belgique (naissance de l’État belge, occupation de la Belgique, colonisation du Congo et évolution du statut de la femme). En dépit de la crise que connaissent les modèles modernes du droit et de la souveraineté le discours juridique remplit encore aujourd’hui un tel rôle. La question de savoir si un comportement est légitime est souvent compliquée mais il semble bien plus simple de déterminer si ce même comportement est légal. Le droit parvient ainsi comme toute idéologie à nous installer dans un univers moral sûr et intellectuellement confortable.