Alors que le dix-huitème siècle est souvent associé à l'optimisme des Lumières, les auteurs de ce volume ont voulu exposer sa face « décadente » affectant tous les domaines de la vie sociale et anticipant des bouleversements majeurs. Lire la suite
Sans doute peu de lecteurs du XXIe siècle répondraient-ils positivement à la question posée en tête de ce volume. Et le fait même de la formuler pourra paraître incongru à certains.
Ce serait ignorer, cependant, qu'en plein siècle des Lumières, de nombreuses voix se sont élevées afin de mettre en doute les progrès dont on se targuait généralement dans les différents domaines de la connaissance, des arts, ou de la littérature. Et ces voix n’émanaient pas que des anti-Philosophes, loin de là ! Dans le camp philosophique lui-même, en effet, les plus grands auteurs – Rousseau, bien sûr, mais aussi Voltaire ou Montesquieu, par exemple – n’ont pas manqué de comparer défavorablement leur propre époque aux précédentes, jugées plus fastes, plus sages, ou comme ayant fait preuve d’un goût plus sûr. L’Antiquité, cela va sans dire, se taille la part du lion dans ces flatteuses appréciations, mais aussi, notamment, un XVIIe siècle que l’éclat du Roi-Soleil nimbe encore d’un énorme prestige.
Tour à tour, tous les domaines de la vie sociale sont passés au crible par les censeurs des turpitudes du siècle : décadence des mœurs et de l’art de gouverner, laxisme des couvents, recul de la musique religieuse « inspirée » devant un art désormais voué au seul plaisir, vogue dangereuse du « trop facile » roman, utopies aventureuses menaçant l’ordre social, etc. Face à ce constat plutôt inquiétant, nombreux sont les auteurs qui finissent par se résigner à imputer aux "lois de l’histoire", ou même parfois à celles de l’évolution de l’espèce humaine, cette "décadence" somme toute inévitable puisqu’elle se trouve en germe dans tous les apogées. On se convainc par conséquent, en lisant ce volume, que derrière le masque optimiste des Lumières et le rêve qu’elles portent d’un avenir meilleur, les hommes du dix-huitième siècle pressentaient avec acuité, mais non sans trouble, l’approche d’une impasse sociétale qui allait bientôt conduire aux bouleversements que l’on sait.
Entre nostalgie d’un passé déjà révolu et anticipations audacieuses d’un futur encore espéré, la tension était manifestement devenue trop forte. À l’appel du Groupe d’étude du XVIIIe siècle de l’Université libre de Bruxelles, une quinzaine de chercheurs belges, français et italiens se sont penchés sur ce thème, sans doute trop peu étudié jusqu’à présent.