C’est à une plongée dans l’histoire troublée et méconnue du cinéma belge que l’ouvrage nous convie, en présence d'Henri Storck, le « père du cinéma belge ». Lire la suite
Août 2006 : une polémique éclate dans les médias francophones du pays. Henri Storck, le « père du cinéma belge », est accusé d’avoir été proche des autorités allemandes sous l’Occupation. Ce cas supposé de collaboration sème d’autant plus le trouble que le cinéaste est, depuis le bouleversant Misère au Borinage (1933), systématiquement classé à gauche sur l’échiquier politique. La controverse qui s’en suit mêle anathèmes et anachronismes, laissant peu de place aux nuances, paradoxes et complexités du social. Dès lors, une enquête historique, s’appuyant sur d’abondantes archives jusqu’alors inexplorées, s’imposait.
Les activités d’Henri Storck durant la Seconde Guerre mondiale ne peuvent, nous montre cette étude, être comprises qu’en procédant à un double désenclavement. Ce destin individuel est, d’abord, replacé dans le contexte de l’industrie cinématographique en guerre, placée sous tutelle allemande, ne survivant qu’au prix de compromis et de compromissions. Le second élargissement est d’ordre chronologique : ce « moment » qu’est l’Occupation est ici réinscrit dans des trajectoires biographiques complètes, mettant en évidence les continuités qui lient guerre et paix, dans le travail d’Henri Storck comme dans celui de nombre de ses confrères. Les rapports, complexes et ambigus, qui unissent art, finances et idéologie sont au centre de l’attention. Invitant à une histoire sociale des productions culturelles, l’ouvrage souligne combien la fréquente réduction historiographique de l’Occupation au seul fait politique occulte la complexité des sociétés en guerre. Le « cas Henri Storck » permet au final d’interroger les zones grises du corps social.
À travers cette figure du cinéma documentaire mondial naît ainsi une réflexion sur le conformisme, l’indifférence voire l’opportunisme qui – en temps de paix comme de guerre – font la marche ordinaire de nos sociétés.
Compte rendu